Dix joueurs par équipe, cinq sur le terrain, dépasser la ligne adverse avec la balle...
Ca faisait plus d'une demi-heure que je me repassais les règles de base du boufbowl en tête. La seconde mi-temps du match de sélection allait débuter dans quelques minutes, à peine; et je savais être sur le point de commettre une erreur monumentale. Je connais à peine le boufbowl, je ne l'avais encore jamais pratiqué il y a deux semaines de cela et de façon générale je déteste les sports d'équipe. Vous vous demandez sans doute ce que je faisais là, eh bien pour être franche, à cet instant précis, je me posais la même question.
Tout ceci avait débuté il y a une quinzaine de jours. Je vivais à Frigost, du côté du village enseveli, un endroit désert, exception faite de la poignée d'habitants. J'y étais née, j'y avais grandi et j'avais fermement l'intention d'y finir mes jours. Il y fait froid, les habitants d'Amakna ne s'y aventurent que rarement et les alentours sont suffisamment dangereux pour que même les villageois ne se déplacent pas jusqu'à mon chalet. La plupart vous diront que j'étais en passe de devenir une sociopathe, je pense que c'est très largement exagéré... mais c'est une autre histoire!
Quoi qu'il se soit, il y a de cela seize jours, une heure et vingt minutes, (oui, j'ai compté!) ma tranquillité a volé en éclats.
Ce jour là, j'observais l'apparition des premiers perce-neiges de la saison, activité ô combien normale pour une sadida frigostienne, quand un cra est arrivé. Débraillé, l'air plutôt hagard et boitant. J'avais alors jugé qu'il ne présentait pas de danger direct et avait rangé le couteau avec lequel je m'apprêtais à l'accueillir. Il voulait devenir entraineur, fonder une nouvelle équipe de boufbowl et il cherchait de ses futurs joueurs à travers le pays. Du moins, c'est ce qu'il m'avait raconté. Je n'avais pas aimé la façon dont il évoquait "son équipe" comme s'il s'agissait de vulgaire bétail mais il s'était assis face à moi dans la neige pour me raconter ses rêves et il m'avait alors paru si las, si fragile, que je l'avais écouté et n'avais même pas émis d'objections. (Vous voyez bien que je ne suis pas une sociopathe!) Jusque là, je n'avais entendu parler du boufbowl que très rarement, je savais bien qu'il s'agissait d'un des sport les plus jouer en Amakna mais je n'y connaissais rien et je m'en moquais! Je n'avais absolument pas l'intention de pratiquer une quelconque activité avec d'autres êtres vivants et de toutes manières les jeux de balles et le climat de Frigost ne font pas très bon ménage! Pourtant je ne l'avais pas envoyé sur les roses immédiatement, quelque chose en lui me le rendait attendrissant. Que voulez-vous, chacun a ses moments de faiblesses! Il avait paru étonné que je ne connaisse rien à ce sport et moi je ne comprenais toujours pas pourquoi il était venu jusqu'ici pour recruter! C'est vrai, ce n'est pas la population qui manque ailleurs! Nous avions discuté longuement et comme la nuit était sur le point de tomber, j'avais même proposé de l'héberger jusqu'au lendemain.
Il était parti pour le village dès que le soleil s'était levé et pour la première fois, je m'étais rendu compte que sa présence n'avait pas été une corvée. Je n'aurais pas été jusqu'à dire que son retour ne m'aurait pas dérangé mais j'étais forcé de reconnaitre qu'il y avait eu pire...
Il avait donc passé la journée je ne sais-où et j'avais feint de m'en moquer, pourtant dès ce jour là, même si j'aurais préféré mourir que de l'admettre, je su que ce que je ressentais avait quelque chose de spécial; qui sait, j'étais peut être en train de devenir sociable après tout.
Il était revenu le lendemain pour me dire qu'il n'avait trouvé personne au village, qu'il avait le flaire pour dénicher les futurs joueurs de talent et que dès l'instant où il m'avait vu il s'était rendu compte de mon potentiel. Non, non, je vous assure que je n'extrapole pas: ce sont ses propres mots!
Bon, moi non plus je n'y croyais pas trop: je ne cours pas vite, je ne suis pas particulièrement agile ni résistante et j'ai tendance à laisser tomber les choses plutôt que de les rattraper. D'après ce que j'avais compris, j'avais donc toutes les qualités requises pour être parfaitement inutile sur un terrain. Je lui avais dit et ça l'avait fait rire... Pour une fois que mon humour marche sur quelqu'un. Il avait insisté pour que je l'accompagne à Sufokia pour m'entrainer et aller savoir pourquoi, j'avais accepté! Je vous ai dit qu'il avait des yeux magnifiques? Couleur d'un ciel de Flovor.
_Chryseïs!
Je sursautai en entendant hurler mon prénom, j'avais sombré dans mes souvenirs et oublié le reste. Tarek, ce charmant cra et nouveau coach donc, c'était approché de moi.
_ Ca va aller?
Il avait pris son air le plus doux possible pour me poser la question. J'allais répondre non mais je fermai la bouche et hochai la tête en me levant. J'allais rentrer sur le terrain, réussir et devenir une boufbowleuse; sinon... Sinon rien, je rentrerais à Frigost, couperais définitivement tout contact avec le reste du monde et finalement deviendrais sans doute une sociopathe... ou agoraphobe, mon choix n'est pas encore fait.
Je ne me souvenais plus vraiment être rentrée, je voyais vaguement la balle et avait un mince souvenir d'avoir couru après. Je crois que les autres venaient de marquer un point, il restait environs trois minutes et je pense que les scores étaient de un partout, mais je n'avais pas de certitude absolue.
Puis soudain, je repris conscience de là où j'étais. Izatis, la sram de mon équipe avait la balle, je la vis chercher Délia, une jeune éniripsa du regard. Elle réceptionnait plutôt bien la balle et était la plus rapide d'entre nous. Je suivis son regard et aperçut Délia au prise avec un Iop, elle ne faisait déjà pas le poids, je voyais mal comment elle aurait pu réceptionner quoi que ce soit. Izatis dû le comprendre en même que moi car elle fonçait déjà vers la touche. Les secondes pendant lesquelles elle avait envisagé de faire une passe avait permis à un sacrieur de la rattraper, si elle prenait un coup de plus, elle serait ko. Je ne sais pas qui a décrété que tous les coups étaient permis au boufbowl mais il faudra que je pense à le maudire quand j'aurai quitté ce terrain. J'étais assez proche pour m'interposer, si je le bloquais, Izatis marquait. Je courus. Sa main m'atteint en plein visage, ma vision se brouilla jusqu'à ce que je ne distingue plus rien.
Quand je revins à moi, Tarek était penché près de moi, il m'apprit nous avions gagné. Je ne sais pas si je suis faite pour ce sport mais une chose était certaine, pour le moment, j'étais très bien là!
